Cette Rubrique est une invitation à partager des découvertes, à réfléchir sur un sujet, à témoigner de travaux artistiques qui sont en lien avec mes recherches, etc.

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Faire commun…

Témoignages / octobre 2023

En ces semaines d’une actualité particulièrement sombre, je lisais quelques lignes d’une brochure de la Maison des écrivains et de la littérature dont le titre est « Faire commun ».

En voici un extrait : 

« Voici que les nationalismes renaissent, que les ségrégations se multiplient, que les murs s’élèvent {…} Ce qui faisait lien au sein de la vie commune – solidarités sociales, syndicats, partis politiques, services publics…-se désagrège. {….} Au lieu de se fondre ensemble, les origines, les appartenances, les genres, se séparent et se multiplient…Dans un monde aussi fractionné, où s’aiguisent les affrontements, qu’est ce qui peut donc faire commun ? »

Est-ce déplacé de se reposer cette question et d’inviter à regarder du coté de l’art ?

L’art sous toutes ses formes, littérature, théâtre, arts plastiques, musique, etc., a des éléments de réponse. Même si ce sont des gouttes d’eau, ne pas oublier que c’est nécessaire. 

Véronique Le Mouël – Octobre 2023

Il est temps de crier…

Témoignages / juin 2018

Il est temps de crier...

La question d’une culture au plus près des territoires et des citoyens semble être un des sujets de préoccupation du Ministère de la Culture.

Pourtant, il y a toujours d’un côté, les institutions, les artistes reconnus, les acteurs du marché de l’art qui œuvrent pour faire rayonner la France dans le monde entier, de l’autre une partie de la population française qui ne saisit pas l’offre culturelle qui lui est faite…et des artistes qui rament

Qui doit faire un pas et comment ? Est ce que les mentalités du monde culturel changent vraiment ?

Les artistes reconnus sont souvent coupés de ce monde-là par toutes sortes d’intermédiaires, du galeriste au curateur, du médiateur au marchand. Tandis que ceux qui mènent un travail proche du public sont boudés par ceux-là même qui font écran…au lieu de faire lien. 

L’art dans cet espace public qui fait loi peut faire lien. C’est là que le contact se fait.

Pour qu’un grand pas soit fait, il n’y a pas d’autre façon que d’aller au-devant des publics, ce que font de plus en plus d’artistes, individuellement, en collectif ou en association. Leurs travaux, mes travaux, sont souvent perçus comme de l’animation populaire et non pas comme de l’ART…J’ai remarqué qu’il est plus facile de vaincre les peurs de ceux qui ne fréquentent pas les musées que celles des personnes qui les animent. 

Quand on invite le public à créer, à co-construire une œuvre dont il est fier, quelque chose s’ouvre dans les cœurs et les têtes des plus jeunes ou des plus âgés, des hommes ou des femmes.

Il y a tant à faire sur ce terrain-là, et les moyens donnés sont si faibles…ou bien si instrumentalisés. Il ne s’agit pas de panser les plaies avec de l’amusement artistique, c’est plus beaucoup plus sérieux que cela.

A Paris par exemple, savez-vous que les artistes, collectifs ou associations qui vont au devant des publics sont financés principalement par les équipes de la Politique de la Ville et non par la DAC qui ne se sent pas concernée ?

Dommage, et pourtant Marcel Duchamp, Joseph Beuys, Lygia Clack, Julio Le Parc, et quelques autres précurseurs, avaient déjà amorcé au XXème siècle une autre idée de l’art, un art qui considère chaque homme comme « un artiste ».

Mon expérience dans l’espace public m’a révélé qu’en invitant chacune et chacun à l’expression artistique, c’est un peu de transformation qui s’opère, de la curiosité qui s’éveille, de la compréhension et de l’humanité qui se manifestent.

Bien nombreux seront ceux qui trouveront cela démagogique…Aussi n’y a-t’-il pas à chercher l’adhésion du monde culturel. Il est temps de faire sortir l’art des cadres imposés par les lois du marché et de ceux qui exercent un pouvoir sclérosant !

Je ne suis pas une grande théoricienne, ni une politique, et mon expérience d’œuvrer avec le public dans l’espace public est encore récente, moins de 10 ans, mais c’est dans l’action que j’ai acquis la conviction que c’est là que se joue cette jonction que Madame la Ministre de la Culture rêverait sans doute de faire.

Il es temps de valoriser le travail des artistes qui œuvrent avec les publics des quartiers populaires ou des zones rurales, et de donner les moyens pour que des liens concrets se fassent avec les institutions culturelles et sociales de proximité par des moyens simples mais organisés, etc.

Pour quand la grande fête des Arts plastiques, plurielle et proche des gens ?

Lettre ouverte aux acteurs culturels – Véronique Le Mouël

Pourquoi ?

Témoignages / novembre 2017

Pourquoi mon travail artistique se concentre t’il depuis 8 ans sur l’art participatif ?

Des désirs et des prises de conscience…

Je désire aller à la rencontre des autres dans ma démarche artistique, d’inviter le public à participer à une œuvre qui ait du sens…Et j’ai ce besoin primitif de garder trace, et de penser que ce besoin peut être partagé : la trace de ses sentiments, de son passage, de sa vie,

Et puis, il y a de petits signes de l’univers, et des « regards croisés »…

> La sculpture en ciment démolie :

En 2008, j’obtenais l’autorisation de la ville de Vanves de placer une sculpture en ciment de 2 m de haut, représentant une femme les bras levés, à proximité du périphérique. Elle fut démolie à la barre de fer dès le deuxième jour. Une sculpture imposée sur certains territoires n’a pas sa place sans un minimum de concertation…

> Le Pollock en herbe et en eau :

Parc André Citroën, je remarque un jour un jeune garçon qui prend de l’eau dans un seau et la jette sur de vastes murs de marbre en faisant de grands gestes formant des traits et dessins étonnants. Ils disparaissent rapidement asséchés par la puissance du soleil. Pourtant, la maman l’interrompt en lui disant que c’est n’importe quoi. J’ai alors regardé cette scène, fascinée, en me disant que ce gamin avait instinctivement exprimé sa créativité, et qu’elle était étouffée aussitôt…

> L’invitation à une aventure artistique :

Pour le nouvel an en 2010, j’invitai 120 personne par mail à faire un trou, un vide ou une ouverture dans une feuille de format A5 et à écrire un mot dessus. Je reçu 47 contributions dans ma boite aux lettres avec des feuilles toutes plus créatives les unes que les autres. Le besoin d’expression créative des personnes quelques soient leur âge et leur milieu social fut une révélation.

C’est ainsi qu’est né Œuvre ensemble : une invitation à une expression personnelle qui ouvre un accès à chacun vers sa créativité et qui permet de participer à une œuvre composite. J’en dessine les grandes lignes telle une chorégraphe ou un chef d’orchestre.

Depuis 8 ans, je multiplie ces recherches artistiques auprès des publics, continue d’interroger la question du participatif, et chaque fois je m’étonne de l’accueil du public, et du sens que prend l’oeuvre au fil de sa transformation.

Tant que cet étonnement restera vivace, je poursuivrai ce travail artistique, à la rencontre des expressions artistiques et créatives des autres et de la mienne.

Véronique Le Mouël – Novembre 2017

Que nous dit le mot Fraternité ici et maintenant, et que m’évoque t’il en tant qu’artiste ?

Témoignages / avril 2016

Que reste t’il de l’esprit du 11 janvier 2014 ? Y a t’il une alternative à la peur et à la logique sécuritaire ?

Telle est la question que pose Patrick Viveret, philosophe et magistrat, et qui nous invite à mieux connaître ce mot qui apparut aux cotés de Liberté et Egalité dans la devise républicaine de la 1ère république en 1848. Jugé comme trop évocateur de sentiment à certaines époques, il subsista malgré tout, et fait encore partie de la devise qui nous unit en France.

L’auteur nous explique en quelques pages l’histoire et la valeur de ce mot si nécessaire aujourd’hui, tout comme d’autres mots essentiels à notre époque tourmentée. Est-ce utopique d’imaginer une citoyenneté terrienne qui porte en germe l’esprit de fraternité présent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Patrick Viveret propose que la France renoue avec son génie propre qui est de penser son rapport à l’universel, au genre humain, au frater.

Les mouvements de citoyenneté fraternelle pour mieux réagir à la violence et au vide politique actuels illustrent des tentatives de chemin différent.

Sommes nous loin de la question de l’art ? De mon point de vue, quand il s’agit de changer le regard sur le monde, nous n’en sommes jamais loin.  Avec une vraie envie de partage, l’idée que nous avons de l’art se transforme peu à peu. J’aspire à y contribuer. Véronique Le Mouël

Fraternité, j’écris ton nom – Patrick Viveret – Edition Les Liens qui Libèrent, 2015, Paris

Et aussi : Le bonheur en marche – Patrick Viveret – Mathieu Baudin – Edition Guérin – Chamonix 2015

Penser le changement climatique avec des chercheurs et des artistes

Témoignages / novembre 2015

Orta Climat 2015 

L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a organisé du 20 au 30 octobre 2015 une « semaine durable » durant laquelle artistes et chercheurs ont partagé leurs réflexions sur l’évolution de nos sociétés dans le contexte du changement climatique.

« Au delà des constats et des diagnostics climatiques, il y a une dimension sensible que se joue, un état d’esprit, un appel à réaliser ce à quoi plus personne ne croit….Les mutations sociales et climatiques transforment radicalement le monde des imaginaires, à commencer par celui des artistes….Le passage d’un art ethnocentrique à un art au service des causes du monde, de la cause commune s’accélère.…Les pratiques artistiques entendent aujourd’hui incarner une certaine idée du changement par une pratique artistique du lien. »

Ces quelques lignes sont écrites par Yann Toma et proviennent du recueil qui témoigne du contenu de ces rencontres entre chercheurs et artistes, et propose de croiser les points de vue de différentes disciplines : philosophie, économie, mathématiques, géographie, etc. Yann Toma est artiste, professeur d’art plastique et directeur de la ligne de recherche Art&Flux. Il est aussi le commissaire de cette exposition à la Sorbonne, présentant des œuvres de Lucy+Jorge Orta, d’Olga Kisseleva, d’Olafur Eliasson, de Wen Fang, Barbara Portailler, etc.

Parmi les découvertes réjouissantes de nouvelles expressions et formes artistiques, j’ai reçu mon passeport de membre de la communauté Antartique Mondiale. Lucy+Jorge Orta sont les artistes à l’initiative de cette communauté qui grandit au fil des expositions. Un médiateur vous reçoit à un bureau étonnant, et fait part des valeurs d’entraide pour ce continent au climat extrême avant de tamponner votre passeport et de vous enregistrer.

Ainsi se déploie des œuvres qui témoignent d’un art vecteur de lien social, une activité qui appelle l’imaginaire de tous et invite à de nouveaux modes de pensée.

L’installation que j’ai imaginé et qui porte le nom « Œuvre ensemble pour le climat » s’inscrit dans cette mouvance. Véronique Le Mouël

Je suis, tu es, il est, nous sommes Charlie.

Témoignages / janvier 2015

Janvier 2015 - Ensemble     Dimanche 11 janvier 2015 – Boulevard du Temple

Quand il ne s’agit plus d’oeuvre mais d’être ENSEMBLE pour dire NON, quand il s’agit d’être les uns avec les autres en même temps , sans distinction d’âge, de race, d’opinion politique ou de religion, debout pour réagir en silence à la violence, alors le mot ensemble prend tous son sens.

Les oeuvres viendront en leur temps. Véronique Le Mouël – Janvier 2015

La ville sous un autre angle avec Ugo La Pietra

Témoignages / mars 2011

Ugo La Pietra, Architecte, Designer et Artiste Italien né en 1938, occupa une place centrale au sein de la mouvance radicale en Italie. Il revendique l’inspiration des Autrichiens tels que Hans Hollein ou Walter Pichler, qui dans les années 60 remirent en cause le constructivisme et le fonctionnalisme et furent à l’origine de l’émergence de ce qu’on appellera plus tard le « Phénomène Hongrois ». Sa démarche, située à la frontière entre art architecture et design, s’exprime souvent dans la ville, questionnant la correspondance entre la forme architecturale et son « environnement spatial », un environnement que la perception va activer. Il n’y a d’œuvre qu’avec le spectateur qui l’active et l’architecture/objet s’incarne donc dans la temporalité de l’action. Ainsi, posté en différents endroits de la ville, le « Commutateur » (1970), structure élémentaire composée de deux planches de bois assemblées formant un angle modulable, permet à l’utilisateur de s’étendre sur l’une des deux planches inclinées afin « d’observer le monde sous un autre angle ». Le « Commutateur » est un outil de perception. Ugo La Pietra en concevra d’autres, convaincu que « réaliser des instruments pour le dépassement de la réalité codifiée est le premier passage pour arriver à une nouvelle société. » On peut cependant s’interroger sur la légitimité d’une telle œuvre dans un musée, l’objet devient-il une trace, au même titre que les croquis ou photographies qui permettent de replacer l’œuvre dans la temporalité de l’action ? Quel est alors son statut ?

 Article proposé par Louise Morin, étudiante en architecture.